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Le rouge éternel des coquelicots

Création 2019
Latifa est d’origine Chaouïa, ses parents sont arrivés à Marseille dans les années cinquante. Elle tient un snack dans les quartiers Nord, qui va être détruit. Son snack, c’est l’essentiel, c’est sa vie. Elle l’habite comme elle habite son corps. J’allais manger chez elle et nous avons commencé à nous parler. J’étais impressionné par la puissance de son amour pour sa famille, ce quartier, cette enfance qu’elle a vécue là est impressionnante. Ces gens qui vivaient « dans du provisoire » ont connu des grands bonheurs, l’éternité de certains instants.
Je voudrais que cette parole voyage, qu’elle aille à la rencontre de ceux qui vivent ailleurs car "les quartiers Nord", les endroits qui se sentent marginalisés, abandonnés, sont partout.
Cette parole est la transmission de quatre-vingts années d’histoire.
François Cervantes

La génèse du spectacle
Cette aventure a commencé en 2013, avec la complicité du théâtre du Merlan, Scène Nationale installée dans les quartiers Nord de Marseille.
Les gens l’appellent « leur gros voisin ». Ils sont contents qu’il soit là, ce n’est pas pour eux mais c’est chez eux, ça prouve que les quartiers nord ne sont pas encore entièrement un ghetto, il y a encore des gens du centre ville qui passent la frontière pour venir voir des spectacles.

Les quartiers nord, c’est 1/3 de la ville, le record d’Europe des inégalités, 30% d’analphabétisme, des familles où on ne travaille plus depuis plusieurs générations, une plaque tournante de la drogue, des enfants de 12 ans qui remplissent le frigo sous les yeux fermés des parents, des femmes seules qui se battent jusqu’au bout du bout pour la survie, l’éducation, et, si possible, la réussite des enfants.
C’est aussi une solidarité jamais vue ailleurs, une langue inventée fruitée épicée, des fou rires, un carnaval du sang, des traditions mélangées, une culture en train de naître.
Les quartiers nord sont plus proches de New York que du centre ville, mais on se garde bien de le dire, et surtout de leur dire.
Les quartiers Nord, c’est le fond du panier, qu’on trouve au fond du magasin : tout est entassé et on ne sait pas ce que ça vaut. Il y a des personnages sans histoire, des paysans sans terre, des marins sans bateau, des chinois sans chine, des citoyens sans papier, des sages sans sagesse… Il y a des pensées qu’on ne veut pas penser, et des histoires qu’on ne veut pas raconter.
Donc au théâtre du Merlan je préparais un spectacle : L’épopée du grand Nord : deux années de rencontres et de discussions avec des habitants, deux années d’errance dans le quartier, à pied, en bus.
Il y avait une multitude de personnages, mais il n’y avait pas d’histoire. Dans cette aventure, l’auteur n’était plus celui qui avait décidé une fois pour toutes du spectacle. Les personnages du texte étaient vivants, ils discutaient, ils négociaient.
(Emmanuel Levinas dit dans un de ses textes que l’inconvénient avec les livres, c’est qu’ils ne répondent pas aux questions qu’on leur pose).
C’est là que j’ai connu Latifa Tir, dans le quartier de la Busserine. Elle tient un snack en face du théâtre du Merlan. J’allais manger chez elle, et nous avons commencé à nous parler. J’étais impressionné par la puissance de son amour pour sa famille, pour ce quartier, pour cette enfance qu’elle a vécue là.
Ces gens qui vivaient « dans du provisoire » ont connu des grands bonheurs, l’éternité de certains instants.

Latifa est d’origine Chaouïa, ses parents sont arrivés à Marseille dans les années cinquante, au début de la construction des quartiers Nord. Elle tire de son expérience un récit universel. Au-delà de sa vie, elle incarne le destin de sa tribu, de son quartier, de Marseille et des grands mouvements migratoires du 20ème siècle.
A ses côtés, je me suis souvenu de cette phrase : le monument de Marseille, c’est son peuple.
A la fin de « l’épopée du grand nord », je suis allé la voir et je lui ai dit : je voudrais écrire un autre texte, sur ces quartiers, sur cette époque, à partir des conversations avec toi.
Ce texte était un hommage à cette femme et le récit d’une époque qui est en train de finir violemment, alors qu’elle a été le signe précurseur du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
La première création du Rouge éternel des coquelicots réunissait 15 personnes au plateau, habitants et comédiens professionnels.
Des liens forts se sont tissés entre Latifa et Catherine Germain qui « jouait » son rôle, comme si elles partageaient une façon d’habiter (le plateau ou le quartier), et de mettre en contact des mondes différents.
Après cette fête collective, j’ai eu envie d’adapter ce spectacle pour en faire un monologue de Latifa Tir : une parole qui se détache de son territoire et qui voyage dans l’espace.
Latifa n’a jamais quitté Marseille.
Par la parole je voudrais qu’elle voyage, qu’elle aille à la rencontre de ceux qui vivent ailleurs.
Car « les quartiers Nord » sont partout.
François Cervantes - Novembre 2018
Écriture et mise en scène François Cervantes
à partir de conversations avec Latifa Tir
Un monologue porté par Catherine Germain
Création lumière Dominique Borrini
Régie générale et création son Xavier Brousse
Peinture accessoires Eva Grüber LLoret
Production L’entreprise
Partenaires de production Friche La Belle de Mai, Marseille
Avec le soutien de : le Ministère de la Culture DRAC PACA, le Conseil Régional Sud - Provence Alpes Côtes d’Azur, le Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône, la ville de Marseille.
Texte édité Les Solitaires intempestifs

Soutien La création en novembre 2017 du Rouge éternel des coquelicots avec 15 personnes au plateau, habitants et professionnels, a été réalisée en coproduction avec Le Merlan, Scène Nationale de Marseille, avec le soutien du contrat de Ville Marseille-Provence Métropole.
mardi 5 mars 2024
20h
Théâtre du Cormier | CORMEILLES-EN-PARISIS
jeudi 21 mars 2024
20h
L’Arc scène nationale du Creusot | LE CREUSOT
samedi 23 mars 2024
20h
La Nef | WISSEMBOURG
mardi 14 mai 2024
20h
Culture Commune, scène nationale | LIÉVIN
Latifa dit souvent qu’elle n’a "pas les mots" pour exprimer les émotions qui la traversent. La beauté de cette pièce est de prouver qu’elle se trompe. Sa langue vive, combative et gouailleuse, à l’heure où le festival "off" vit ses derniers jours, résonnera comme l’une des plus mémorables.
La Croix, Jeanne Ferney [juillet 2019]

C’est merveilleux !
Le masque et la plume, Armelle Héliot [14 juillet 2019]

Ce spectacle est un grand moment de théâtre. Magnifique !
Télérama, Emmanuelle Bouchez [juillet 2019]

C’est un spectacle qui, avec trois fois rien, donne le tournis du ravissement permanent.
Médiapart, Jean-Pierre Thibaudat [juillet 2019]

C’est une totale réussite parce que François Cervantes ne s’est pas borné à se documenter auprès de Latifa, il y a là un véritable travail d’écriture qui dépasse très largement le simple témoignage de Latifa, aussi bouleversant soit-il, pour devenir objet et parole théâtrale. C’est fait avec une belle habilité au service d’une comédienne, Catherine Germain. Ce qu’elle réalise là est exceptionnel d’intelligence et de rigueur : il n’en fallait pas moins pour rendre compte du combat de Latifa Tir au nom de la dignité humaine.
Frictions, Jean-Pierre Han [juillet 2019]

Avec l’authenticité de l’artiste qui, pour la première fois, joue le rôle d’une femme réelle, Catherine Germain, complice de Latifa Tir et de François Cervantes, le metteur en mots, délivre un moment d’une grande vérité humaine. Ainsi, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes, "La dame du snack", porteuse d’une culture que les engins des travaux publics ne pourront jamais détruire, devient sous l’effet de l’écriture et de l’interprétation théâtrales un mythique personnage entrant de plain-pied dans les "légendes cervantes".
La Revue du spectacle, Yves Kafka [juillet 2019]

Il ne s’agit pas d’un théâtre documentaire. Il y a là une véritable réécriture, une écriture très étonnante et novatrice. C’est du théâtre à l’état pur, une femme seule en front de scène, une présence charnelle intense, la traduction scénique de la vie même, lart suprême du naturel. Latifa, c’est simple, on l’aime ! Là où d’autres s’évertuent et se triturent l’écriture pour faire du théâtre populaire, François Cervantes réussit à tous les coups à la faveur d’une intelligence et d’une générosité qui forcent l’admiration.
Madinin’art, Michèle Bigot [juillet 2019]