Accueil > La compagnie > Son projet

[François Cervantes]

Auteur, metteur en scène et acteur, j’ai créé en 1986 la compagnie L’entreprise, avec le souhait de chercher un langage qui puisse raconter le monde d’aujourd’hui, traverser les frontières sans être arrêté par des références culturelles, et s’adresser directement aux spectateurs. L’écriture a toujours été la colonne vertébrale de mon travail, elle préexiste au théâtre, et c’est à travers elle que je l’aborde. Si j’ai ressenti la nécessité de créer une compagnie, c’était pour entreprendre une recherche sur les déchirures et les liens entre le corps et le verbe, entre tradition et création.

Je suis convaincu que c’est la pensée d’un acteur qui met son corps en mouvement, que sa voix est le lieu secret de passage entre sa pensée et son corps, entre l’ordre du dedans et l’ordre du dehors, et que la qualité de présence d’un acteur traverse les cultures et construit une relation directe avec le spectateur. Quand pensée et corps se touchent, utopie et corps social se touchent un instant. Au fil des années, j’ai donné plus de responsabilités aux acteurs, car au théâtre, c’est la soirée qui est une œuvre, et l’acteur en est le maître de cérémonie.

Cette recherche a provoqué des confrontations avec des arts voisins : poésie, littérature, musique, art du clown, arts du cirque, art du masque ou art de la marionnette.

En découvrant des arts plus anciens que le théâtre, j’ai découvert des sociétés traditionnelles (Inde, Indonésie, Japon, Comores…) qui m’ont fait comprendre des articulations entre art et rituel, et qui m’ont posé violemment une question : quelle est la place de l’art dans notre vie ? Ces rencontres ont marqué les créations de la compagnie. Elles m’ont fait aller vers l’origine du théâtre d’une part, et vers une écriture contemporaine d’autre part, directement en prise avec le réel, cherchant le frottement entre réel et imaginaire.

Depuis 1986, une vingtaine de créations ont donné lieu à plus de deux mille représentations (France, Europe, Canada, Etats-unis, Afrique, Inde, Bangladesh, Pakistan, Indonésie, Océan Indien), dans des villages comme dans de grandes scènes nationales ou de grands théâtres et festivals étrangers.

En 2004, la compagnie s’est implantée à la Friche la Belle de Mai, pour y développer un projet de permanence : la constitution d’une troupe, d’un répertoire, et la construction d’une relation longue et régulière avec le public, pour que le spectateur se sente partie prenante de l’aventure d’une troupe dans sa région.
Entre 2004 et 2014, la compagnie a concilié une vie sédentaire à Marseille et une vie intense en tournée [120 représentations en moyenne par an], mêlant recherche, création, diffusion, formation initiale et professionnelle, transmission. Pendant ces dix années, nous avons construit un répertoire de 15 créations. Plus de 30 000 spectateurs ont été accueillis à la Friche la Belle de Mai pour les découvrir.

Durant cette période, j’ai ouvert un atelier permanent pour les comédiens professionnels, en dehors de toute chapelle, pour partager mes interrogations sur l’art de l’acteur. Une centaine d’acteurs sont entrés dans cet atelier, ouvert à d’autres disciplines artistiques puisque le théâtre en est un carrefour.

Parallèlement, nous avons créé en 2006 les Editions Maison qui témoignent de la recherche pour tenter de marier la chair et le verbe. Elles ont à ce jour édité neuf ouvrages ouvrages dont Le Clown Arletti, vingt ans de ravissement en co-édition avec Magellan&Cie.

La permanence a changé le langage artistique, les relations entre les œuvres et le public.